lundi 16 juin 2008
La der des der (4/7)
Arrivé au stade de Tsingoni, je jette le vélo, le casque, les gants, vide mon bidon sur le visage et bois un coup. J'appréhende la course à pied. Autant parce que, l'an dernier j'avais explosé au bout de deux kilomètres que parce que je ne sais pas si mon genou ensanglanté me portera aujourd'hui. Il y a du monde, des connaissances, je reste digne et court. Le parcours à pied commence par une descente. Je réalise vite que chaque pas meurtri mon genou. Sur le plat, il est moins douloureux. Dans les montées, je ne peux tirer sur mon bras droit à cause de l'épaule. Les coureurs de la course par équipe volent alors que je tente garder une vitesse de footing. Je suis puni par celle que j'ai doublé deux fois en vélo. Elle est revenu doucement sur moi et tout aussi patiemment, s'éloigne mètre par mètre jusqu'à disparaître après un virage. Elle gagnera la course féminine. Je pense aux raisons qui expliquent ma présence dans cette course. Participer à un événement sympathique, le goût de l'effort, l'attrait de la compétition, se prouver qu'on est encore jeune. Pourquoi se donner tant de mal alors que le week end sert à se reposer. Le paysan que je croise et qui mène ses zébus à la rivière n'a pas besoin de courir le dimanche ou de s'entraîner après sa journée de labeur. Il doit manquer quelque chose dans nos vies de travail pour que nous éprouvions le besoin de nous dépenser et de nous activer. La piste serpente entre les champs d'Ylang, les gamins sautent de joie et me tape dans la main. Je salue respectueusement les bouenis qui lavent le linge à la rivière. Elles me répondent tout aussi poliment. Je lance un mot aux fusées mahoraises qui avalent les kilomètres et jouent la gagne par équipe. Ces attitudes dérisoires distraient mes sens et freinent les informations du système nerveux vers mon cerveau. La douleur ne l'atteint plus, mes neurones occupés ne l'acceptent pas.
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