lundi 16 juin 2008

La der des der (5/7)


Qu'est-ce qui me pousse aujourd'hui, l'épaule endolorie, le coude abimé, la fesse sans doute brulée sous le cuissard, le genou troué et saignant, le tibia râpé, à avancer encore et toujours ? Je suis plongé dans ces réflexions. L'évidence me vient.

Qu'ai-je à prouver et à qui ? Tout le monde se fiche de cette course, il n'y a aucune couverture médiatique nationale, les spectateurs peu nombreux sont les familles et amis qui accompagnent les coureurs, la population locale est à peine dérangée par la démonstration des sportifs. Est-ce l'esprit du noble Coubertin qui me fait participer ? Il y a longtemps que les sportifs professionnels survitaminés et markétés l'ont jeté avec la sueur de leur corps. Je n'appartiens pas à ceux là. Il n'y aurait rien qui me fasse avancer ?

C'est MA course, la dernière course SENIOR, la der des der qui vient clore un cycle sportif. Je ne peux empêcher d'être un vétéran sportif dans 3 jours. Je ne peux obliger mon corps à améliorer mes performances, elles ne peuvent que baisser avec les années. Alors il faut du panache pour la der des der. Cette chute est un don du ciel. Elle m'oblige à me surpasser, elle fait de moi un héros, les enfants grimacent à la vue de mes plaies, les adultes applaudissent le courage. Cette chute donne une intensité dramatique à la der des der. C'est l'ego qui me pousse, rien que l'ego, immense et outrageusement démesuré en ce jour. C'est lui qui me fait grimper la dernière cote avant l'arrivée en accélérant régulièrement. Je sens mes cuisses me porter, je prend confiance, je vais bien finir. Il y a là deux coureurs dans ma ligne de mire à cent mètres pour l'un et deux cents pour l'autre. Je n'ai aucun doute, je vais les bouffer. Le premier abdique sans lutter et en me souriant avant que la pente ne s'adoucisse. Le second prend maintenant de la vitesse, il semble plus jeune que moi. Il est dans la pire des positions qui soit, il me sert de lièvre.

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